© Yorick Vion
Everest, le toit du monde à 8849 mètres, demeure le rêve de nombreux alpinistes, et ce, malgré des critiques sur son organisation, toujours plus nombreuses chaque année. Ces dernières saisons ont vu de sérieuses évolutions sur sa fréquentation, tant en volume qu’en valeur, dans les profils des alpinistes présents sur la montagne. Dans cet article, nous revenons sur la saison du printemps 2024 qui vient de s’achever, au cours de laquelle, pour la première fois depuis 2019, le versant nord tibétain était également accessible. Fenêtres météo, summit push, nombre de permis et pourcentage de summiters coté népalais et tibétain, faits marquants... Tout ce qu’il est intéressant de retenir de cette saison 2024 d’alpinisme à l’Everest.
600 summiters à l’Everest versant népalais
© Expeditions Unlimited
D’après les comptes tenus par Alan Arnette, la source référente pour l’Everest, près de 600 alpinistes ont atteint le sommet de l’Everest par le versant népalais, dont 250 clients pour 350 sherpas, soit un ratio d’un client pour 1,4 sherpa. Compte tenu que 421 permis ont été délivrés pour cette saison (les sherpas n’ont pas besoin de permis), cela représente un taux de succès clients de 250 sur 421 soit, près de 59 % ce qui est plutôt favorable.
À titre de comparaison, en 2022, selon cette fois l'Himalayan database de Kathmandu fondée par Elizabeth Hawley, nous avions 671 summiters dont 257 clients et 333 permis délivrés, soit un taux de succès bien supérieur de 77% avec une météo très clémente et un ratio d’un client pour 1,8 sherpa. En 2000, 118 permis étaient délivrés pour un taux de succès client de 30 % (35 summiters) et un ratio d’un client pour 1,1 sherpa.
L’amélioration nette du taux de succès à l’Everest, année après année, s’explique par un taux d’encadrement (nombre de sherpas/client) en progression, par l’utilisation de l’oxygène de plus en plus tôt (de plus en plus bas), l’amélioration des équipements et de la prévision météorologique.
À noter, enfin, que le permis d’ascension côté népalais devrait passer de 11 000 à 15 000 US$ en 2025.
100 summiters à l’Everest versant tibétain
© Jérôme Brisebourg
Côté tibétain, c’était la première fois que des non-Chinois pouvaient revenir sur le versant nord de la montagne depuis 2019. Nous estimons à environ 150, le nombre de permis d’ascension qui ont été accordés pour le printemps 2024.
Malheureusement, pour des questions consulaires et administratives, les équipes n’ont eu accès au Tibet que vers le 10 mai, donc près de 2 à 3 semaines plus tard qu’à l’accoutumée.
Les équipes se sont donc acclimatées au Népal sur les Mera, Island et Lobuche peaks, ainsi que sur l’Ama Dablam. Et un bon nombre d’entre elles, devant l’incertitude de l’ouverture chinoise, ont renoncé au versant tibétain et se sont reportées sur le versant népalais, ou ont tout simplement reporté leur expédition à l’année prochaine.
Pour celles qui sont restées en lice, que nous estimons à moins de la moitié (3 équipes étrangères), nous avons eu quelques 44 summiters dont 19 clients et 24 sherpas, soit un taux de succès probablement supérieur à 60/70 % et un ratio d’encadrement d’un client pour 1,3 sherpa.
Par ailleurs, 31 Chinois accompagnés d’un nombre équivalent de guides tibétains ont atteint le sommet de l’Everest, au moment où les Occidentaux pouvaient entrer en Chine.
À l’inverse du Népal, le Tibet a réduit drastiquement le nombre de permis accordés aux étrangers depuis les années 2000, où il atteignait allègrement le chiffre de 300.
Enfin, il est à noter, pour les prochaines saisons, que toute inscription à l’ascension d’un sommet tibétain (Everest, Cho Oyu, Shishapangma) nécessite de s’y prendre bien à l’avance, six mois au minimum pour l’Everest.
Faits marquants de saison Everest 2024
© Yorick Vion
Les premiers sommets côté Népal ont été réalisés le 11 mai, ce qui reste un grand classique de cet itinéraire, après que les cordes fixes eurent fini d’être installées la veille par les équipes de sherpas de Seven Summits en particulier. Quelques jours plus tôt, l'équipe de cordée tibétaine avait établi la voie du sommet sur le versant nord, permettant aux groupes chinois d’atteindre le sommet.
La météo a peut-être été un peu plus difficile cette année, avec pas mal de jours de vent, à la différence par exemple de 2022, ou une longue période de beau a permis d’avoir un taux de succès de près de 74 %. Ceci dit, 2024 reste bien meilleure que 2021, au cours de laquelle deux cyclones avaient dégradé les conditions, offrant un taux de succès de seulement 45 %.
Au total cependant, nous avons assisté aux deux périodes de summit push traditionnelles, les 10-15 mai et les 20-27 mai.
Signe des temps, ou plutôt du réchauffement climatique, avec l'hiver népalais qui a été plus chaud et plus sec que d’habitude, il a été plus difficile de faire passer les cordes fixes dans la cascade de glace cette saison et une corniche au niveau du ressaut Hillary s’est effondrée entrainant les alpinistes. L'arête sud-est accumule les difficultés.
D’abord début mai, les Icefall Doctors ont tenté avec beaucoup de difficultés de trouver un itinéraire pour les cordes fixes et échelles à travers la cascade de glace du Khumbu, qu’ils ont finalement trouvé, mais il s'agissait d'un itinéraire non direct et particulièrement long, nécessitant trois à cinq heures de plus pour atteindre le camp 1 à 6000 mètres d'altitude.
Ensuite, une longue file d'une cinquantaine d'alpinistes a eu raison du ressaut Hillary, provoquant l'effondrement d'une corniche surplombant la face Kangshung. Plusieurs personnes sont tombées et ont été stoppées par la corde fixe, sauf l'alpiniste britannique Daniel Paul Paterson qui n'a pas été retrouvé. Sept autres personnes sont décédées cette année contre dix-huit en 2023.
Alors que le Tibet est en avance dans les contraintes environnementales qu’il fixe aux organisateurs d’expéditions (nombre de permis, taxes et processus de collecte de déchets, etc.), le Népal essaie d’avancer sur le sujet, chaque année, avec assez peu de succès. Il était notamment question cette année de limiter le nombre de permis, de demander aux alpinistes de redescendre leurs excréments, de redescendre au moins 8 kilos de déchets, d’interdire les hélicoptères de transporter du matériel vers les camps d’altitude, etc. À notre connaissance, peu ou rien n’a été suivi des faits.
À noter que fin avril, trois bouteilles d'oxygène et 1,5 kg d'équipements étaient livrés par drone au camp 1 (6000 m) depuis le camp de base (5300 m). C’était une première.
Nos départs confirmés pour l'ascension de l'Everest en 2025