01 Mars 2021Himalaya, Alpinisme, Quatorze 8000
Les faces ouest des Gasherbrum IV, V, VI et  VII. Le Gasherbrum II est à peine visible derrière l’arête sud du Gasherbrum IV. Le Gasherbrum I (Hidden Peak) est caché derrière le Gasherbrum V.

Massif du Gasherbrum. Six cimes altières, dont deux à plus de 8 000 : le G II (8 035 m) et le G I (8 068 m). Identifié d’abord par le service topographique de l’Inde comme le K5, approché ensuite par Sir Martin Conway en 1892, le Gasherbrum I, « la montagne étincelante » en langage balti, devient le Hidden Peak, « la montagne cachée », pour le  Britannique. L’expédition internationale de Günter Dyhrenfurth se distingue, en 1934, par la réalisation du premier long métrage fictif tourné dans ce décor grandiose. Vient ensuite l’expédition lourde menée par le Français Henri de Ségogne (660 porteurs, 11 tonnes de matériel) en 1936. Mais il faut attendre 1958 pour voir les Américains se hisser, en premier, sur ce magnifique sommet du Baltoro. Retour sur ces moments historiques.

 

La « montagne cachée » de Martin Conway

Dans notre article sur le Karakoram, nous évoquions la remarquable aventure au long cours de Sir Martin Conway en 1892, sur les glaces du Baltoro. Du haut du Pioneer Peak (6 970 m), première ascension réalisée sur les flancs de l’immense glacier, la presque totalité du massif du Gasherbrum s’offre aux regards des alpinistes. Ils identifient six cimes bien distinctes. La plus évidente, le G IV (7 925 m), véritable pyramide étincelante, dissimule le point culminant du massif : le G I (8 068 m), dont seule la pointe apparaît. Il leur faudra explorer le bassin supérieur du Baltoro pour découvrir en presque totalité le « Hidden Peak »  et son proche voisin, le G II (8 035 m).

 

Les premières tentatives

Deux équipes italiennes (1909 et 1927) conduites, l’une par le duc des Abruzzes, l’autre par le duc de Spoleto, dressent la carte complète du massif et de ses principaux glaciers.

Juin et juillet 1934 voient la première tentative sérieuse se diriger vers les pentes des Gasherbrum I et II. Dirigée par le professeur et alpiniste suisse Günter Oskar Dyhrenfuth, elle compte des membres très expérimentés, dont André Roch (il jouera un rôle essentiel à l’Everest en 1952). En 1930, le Kangchenjunga (8 579 m), au Sikkim, a résisté aux efforts de Dyhrenfurth. Il entend bien se rattraper. Pour financer son projet, Dyhrenfurth met sur pied un projet précurseur pour l’époque, la réalisation d’un long métrage fictif, un grand film d’aventure : Le démon de l'Himalaya. Avec un porteur balti (dans le rôle de la bête !), les alpinistes comme acteurs principaux, et la star, madame Hettie Dyhrenfurth en personne, dans le rôle de la belle. Günter Dyhrenfurth assure la régie du film.

 

Du rififi chez les stars

À 46 ans, Hettie Dyhrenfurth, femme élégante, skieuse et alpiniste, espère détrôner l’alpiniste américaine Fanny Bullock Workman et son record d’ascension établi 28 ans plus tôt en 1906, au Pinnacle Peak (6 930 m), dans le massif du Nun-Kun. Madame Workman avait alors 47 ans.

Réunir les fonds nécessaires, à la fois pour l’expédition elle-même et pour le tournage du film, s’avère un exercice délicat. Bloqué une première fois à Bombay, puis à Srinagar au Cachemire, faute d’avoir reçu les fonds promis, le groupe prend du retard.

Coup de théâtre : les producteurs du film engagent, sans en informer Günter Dyhrenfurth, un couple : Yarmila Marton (26 ans), une actrice professionnelle et son mari Andrew Marton, comme régisseur. André Roch : « Les pommettes saillantes (de Yarmila) ne gâchaient en rien sa beauté. » Mais ni Yarmila ni Andrew n’ont l’expérience de la haute montagne.

Les Marton rejoignent l’équipe en avion, puis en train, à Skardu. La totalité du groupe va se trouver aux prises avec des rivalités insidieuses et le manque d’expérience du milieu montagnard des Marton. De nombreuses journées de beau temps vont être perdues pour réaliser les scènes du film. Lequel connaîtra un succès mitigé sous son titre d’origine, et gagnera en audience en 1952 en s’intitulant Storm over Tibet.

Malgré ces atermoiements, les himalayistes se frayent un chemin dans le labyrinthe du glacier sud du Gasherbrum, livrant accès aux G I et G II. Le mauvais temps retiendra Roch et Dyhrenfurth à 6 250 mètres, sous les pentes menant au Gasherbrum La, dépression séparant le G I du G II. Finalement, le 3 août 1934, Albert Höcht, Hans Ertl, Oskar Dyhrenfurth et son épouse Hettie réussissent la première ascension du Sia Kangri (7 422 m). Hettie Dyhrenfurth, à défaut d’être la star du film, détient le nouveau record d’altitude féminin. Il ne sera battu qu’en 1955.

Yarmila Marton 
A gauche : Yarmila Marton, 26 ans en 1934, actrice professionnelle, vole la « vedette » à Hettie Dyhrenfurth
À droite : Hettie Dyhrenfurth, 42 ans en 1934. En gravissant le Sia Kangri (7 422 m), elle bat le record d’altitude détenu par Fanny Bullock Workman depuis 28 ans au Pinnacle Peak (6 930 m).

En 1936, le tour est venu pour les Français. La FFME, sous la direction de Henri de Ségogne, s’attaque au Gasherbrum I. Aventure narrée dans notre précédent article sur l'exploration du Karakoram. Le mauvais temps mettra un terme à leurs efforts, au camp V (6 800 m).

 

Gasherbrum II : les Autrichiens marquent le premier point

Mais les géants de l’époque, ceux à qui (presque) rien ne résiste, viennent d’Autriche.

1953 : Hermann Buhl, dans une épopée sur laquelle nous reviendrons, s’octroie le Nanga Parbat (8 126 m). En 1954, le Cho Oyu ne peut résister à Herbert Tichy.

En mai 1954, les Autrichiens frappent encore. Huit d’entre eux parcourent le Baltoro et installent leur camp de base à la jonction des glaciers des Abruzzes et du Gasherbrum sud. Ils remontent ce dernier et gravissent les pentes de l’arête sud-ouest du Gasherbrum II.

Le 30 juin, une avalanche balaye le camp I (6 000 m), engloutissant une bonne partie de leur équipement. Ils persévèrent et installent, le long de l’arête, les camps II (6 700 m) et III (7 150 m). Ultime bivouac à 7 500 mètres, sans oxygène.

Le 7 juillet 1956, Fritz Moravec, Josef Larch et Hans Willenpart traversent sous la pyramide sommitale, remontent l’arête est et prennent pied sur l’étroit sommet du Gasherbrum II. Une belle victoire, sur un sommet ne présentant pas de difficultés majeures.

timbre gasherbrum
Timbre autrichien (1957)

 

Gasherbrum I : le dernier mot revient à l’oncle Sam

Le 6 juin 1958, l’expédition américaine menée par Nick Clinch reprend l’itinéraire partiellement parcouru par André Roch en 1934, le long de l’arête sud-ouest du G I. Le 22 juin, camp III à 6 600 mètres, à l’emplacement du point le plus haut atteint par les alpinistes de 1934. Camp IV à 6 850 mètres. Le 4 juillet, camp V à 7 300 mètres.

Le 5 juillet, après une progression épuisante de quatre kilomètres sur le plateau supérieur, dans une neige pulvérulente, Andy Kauffman et Pete Schoening, utilisant de l’oxygène, atteignent le sommet. Dyhrenfurth avait suggéré d’utiliser des skis pour le plateau sommital. Les vainqueurs regrettent de ne pas avoir suivi cette suggestion.

 

1959-1974 la dictature militaire interdit l’accès au Baltoro

Organiser une expédition au Pakistan exige patience et persévérance de la part des responsables. Mais le 28 octobre 1958, toute discussion est close. Coup d'État, loi martiale, dictature militaire, guerre indo-pakistanaise, guerre de sécession (qui voit la création du Bangladesh) se succèdent. Pendant quinze ans, le Baltoro retourne à son isolement ancestral.

En 1971, l’armée abandonne le pouvoir. Le président Ali Bhutto, nouvellement élu, établit une nouvelle constitution, toujours en vigueur à ce jour. En 1974, les alpinistes peuvent à nouveau requérir des autorisations. Pas moins de dix-neuf sont accordées pour l’année 1975. Deux d’entre elles méritent de s’y attarder.

 

Gasherbrum II, seconde ascension, première française, première tragédie

Sous la houlette de Jean Pierre Frésafond, la section lyonnaise du CAF organise sa première expédition. Une belle distribution avec, entre autres, Yannick Seigneur, Marc Batard, Frédéric Bourbousson, Bernard Villaret et Louis Audoubert, personnage truculent et pyrénéiste chevronné. Ils s’attaquent à l’éperon sud-est, itinéraire recommandé dès 1934 par Dyhrenfurth : « J’estime que cette voie est très favorable, moyennement difficile, très directe, sans dangers objectifs. »

Le 18 juin, Marc Batard et Yannick Seigneur, après un bivouac à 7 650 mètres, atteignent le sommet à 9 heures, sans oxygène.

À la descente, ils croisent Louis Audoubert et Bernard Villaret et leur suggèrent de bivouaquer. Malheureusement, une tempête se déclenche dans la nuit et immobilise Louis et Bernard sous leur tente minuscule. Après 48 heures d’attente éprouvante, Louis se lance dans la descente, mais Bernard s’entête à attendre une accalmie. Épuisé, à bout de résistance, Louis sera recueilli au-dessus du camp II. La tempête fait rage pendant huit jours, Bernard ne réapparaîtra pas. 

 

Messner et Habeler : un 8 000 pour deux

De retour à Rawalpindi, Louis Audoubert reçoit la visite de Reinhold Messner et de Peter Habeler. Louis compte sa terrible mésaventure. Messner et Habeler lui demandent conseil. Que peuvent-ils envisager à deux, avec des moyens très faibles ? Finalement, ils dirigent leurs pas vers le Gasherbrum. Ils atteignent la selle neigeuse, entre les Gasherbrum I et II, le 8 août. Bivouac. Un couloir raide, mais évident, fend la partie gauche de la face nord-ouest du Gasherbrum I. Pour aller plus vite, ils ne s’encordent pas, ne posent aucune corde fixe et franchissent toutes les difficultés sans « faire de relais ». Nouveau bivouac à 7 500 mètres.

Le 10 août, ils foulent le sommet du Gasherbrum I. La descente, par le même itinéraire, bien sûr sans cordes fixes, leur demande une concentration extrême.

Troisième « 8 000 » pour Reinhold Messner, mais surtout le premier en technique alpine, pour une équipe réduite à deux hommes, sans porteurs d’altitude, sans navettes innombrables entre les camps, sans assistance respiratoire.

Cette réussite préfigure l’ère à venir des ascensions légères en « technique alpine ». Un très grand succès pour l’époque.

reinhold messner
Reinhold Messner 1984

 

Le Gasherbrum II, superbe objectif pour une première expérience à huit mille mètres

La très belle réussite des Américains en 1958, confirmée par celle des Français en 1975 a montré que le Gasherbrum II n’offre pas de difficultés majeures ni, comparé à ses proches voisins, d'importants dangers objectifs. Seules les avalanches, liées à d’éventuelles chutes de neige abondantes, peuvent constituer un réel danger.

Expeditions Unlimited se réjouit de vous proposer ce bel objectif, expédition à découvrir ici !

Retrouvez ci-dessous l'itinéraire animé de l'ascension du Gasherbrum II avec un survol des extraordinaires sommets avoisinants : K2, Broad Peak,...

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