02 mai 2021Himalaya, Alpinisme, Témoignages, Quatorze 8000, Seven Summits
Camp de base de l'Everest (5 365 m) versant népalais © François Trouillet

Au printemps 2021, Expeditions Unlimited organise l'ascension de l'Everest (8 848 m) par le versant sud, donc côté Népal. Après un magnifique trek d'acclimatation « par les hauts cols », les cinq membres de l'expédition guidés par le chef d'expédition Bernard Muller et accompagnés des plus brillants Sherpas du Khumbu atteignent le camp de base de l'Everest. Au cours des semaines qui vont suivre, François Trouillet, un des participants, nous livre un témoignage poignant sur le vif des principales étapes de cette expédition. Dans ce billet, François nous décrit la vie au camp de base de l'Everest dans l'effervescence des nombreuses équipes présentes et l'ambiance Covid de cette année 2021.

Expedition à l'Everest - Camp de base
Camp de base de l'Everest (5 365 m) © François Trouillet

Le camp de base (Base Camp) s’étend sur toute une langue du glacier du Khumbu, face à l’Icefall à 5 365 mètres d’altitude. Il est organisé par expéditions qui, Covid oblige, sont assez cloisonnées entre elles : No entry 

 

La puja au centre des expéditions

La disposition de chaque expédition est assez semblable : une puja trône au centre. C’est une sorte d’autel où les lamas et Sherpas viennent quotidiennement se recueillir. À notre arrivée au camp de base, nous y avons fait la cérémonie officielle de protection et de démarrage de l’expédition. Cette cérémonie est un moment hors du temps, où nous avons passé quatre heures avec les lamas, Sherpas et légendes de l’Himalaya... Un rite d’adoration à la déesse Sagarmatha, avant un grand événement, qui se termine par des danses et par le partage des offrandes. Nos équipements d’alpinisme ont été bénis et, à partir de là, nous pouvions mettre un pied sur la montagne. Nous avons eu le privilège de rencontrer deux légendes de l’Himalaya : Nirmal Purja qui a pulvérisé le record d’ascension des 14 sommets de plus de 8000 mètres en 6 mois et Kami Rita Sherpa qui a gravi 24 fois l’Everest. Un moment vraiment unique. À noter que dans notre team, nous ne sommes pas mal pourvus avec Bernard Muller comme chef d'expéditionNgima Nuru Sherpa, un des guides de l'expédition et 22 fois summiter de l’Everest et Mingma Sherpa, manager de l'expédition et 8 fois summiter...

Tous les jours, du genévrier brûle dans la puja pour nous protéger. À chaque départ, nous passons nous y recueillir et devons systématiquement la contourner par la gauche. Au retour, nous venons toucher l’autel de notre tête. Chaque matin et chaque soir, un Sherpa muni d’un encensoir parcourt le camp en psalmodiant des mantras. De l’autel, part un faisceau de drapeaux de prières qui couvrent tout le camp. 

Cérémonie de la puja au camp de base de l'Everest © François Trouillet

 

L'Icefall pratiquement à la sortie de nos tentes

Les « clients » et les Sherpas ne vivent pas ensemble au camp. Le camp comporte donc un coin « clients » : une ligne de tentes personnelles et deux tentes toilettes (femme, homme). Puis une tente mess où nous nous retrouvons pour prendre nos repas, discuter, charger nos appareils électriques. Des panneaux solaires et un générateur assurent l’alimentation électrique du camp. Puis il y a une tente cuisine où un chef et deux aides préparent les repas pour tout le monde. Il y a une grande tente garde-manger, une tente douche et le coin des Sherpas. 

L’installation physique des camps est jalousement débattue entre les expéditions. Certaines sont à 45 minutes de l’entrée de la Icefall, la nôtre est aux premières loges. 

Camp Expeditions Unlimited au camp de base de l'Everest et entrée de l'Icefall © François Trouillet

 

Il n’est pas rare d’être réveillé par le bruit d'une avalanche

L’équipe des Sherpas fait tout pour rendre notre séjour agréable, mais les conditions sont assez rudes. 
Imaginez une journée : les nuits sont glaciales et l’air que l’on exulte se condense dans la tente et retombe en cristaux de glace ou au mieux en humidité. Tout est vite trempé ! Dans la nuit, il n’est pas rare de se lever deux ou trois fois pour faire pipi ! C’est le phénomène naturel d’acclimatation. Mais hors de question de sortir de la tente. On utilise des « pipi bottle » que l’on videra plus tard (mais pas trop car l’urine gèle). 

Dans la nuit, il n’est pas rare d’être réveillé par une avalanche qui fait un bruit d’enfer et se prolonge en roulement qui semble s’arrêter au bord du camp. 

Réveil tôt, la luminosité est forte dès 5 heures. On peut boire une boisson chaude à toute heure du jour et de la nuit dans la tente mess

On traîne alors un peu, et si la météo est bonne, le wifi est accessible, on regarde les nouvelles de nos amis et leurs commentaires et encouragements sur les réseaux sociaux (un grand merci à tous 🙏). 

On se rendort puis les hélicoptères commencent leur ballet dans le ciel : ravitaillement, évacuation... 

Camp Expeditions Unlimited au camp de base de l'Everest © François Trouillet

 

Nous nous retrouvons dans la tente mess

Le petit déjeuner est servi à 8 heures. On se retrouve dans la tente mess, la plupart du temps, cheveux hirsutes et traits tirés. Ça va ? Bien dormi ? Pas mal à la tête ? 

On prend notre saturation en oxygène et c’est souvent un moment stressant. « Mince, 70... » ou « super, 83 ! ».
Œuf, café, thé...  puis la journée commence. 

À 13 heures, le déjeuner est servi en mode buffet. Puis retour à la tente. 

Quand le soleil brille, la chaleur est vite insupportable dans la tente. Même en slip avec les portes ouvertes, il y fait très chaud. Lecture, sieste... Le rituel est reparti, puis le soleil se cache derrière un sommet, et immédiatement, un concert de « ziiiip ! » se fait entendre dans le camp : les tentes se ferment, on s’habille et on se blottit dans nos duvets car la température chute brutalement. 

À 19 heures, on se retrouve pour le dîner. On nous distribue des serviettes chaudes parfumées à la menthe. Quel bonheur !

Puis le repas est servi. Souvent en buffet, mais quelquefois avec un cérémonial digne des grandes tables : viande flambée au rhum ! 

Briefing du lendemain, plan pour les prochains jours et on rejoint nos tentes glaciales pour une nouvelle nuit. 



Camp Expeditions Unlimited et tente mess au camp de base de l'Everest © François Trouillet

 

Patienter pour s'approcher du sommet si convoité

On voudrait tous être déjà au sommet, mais nos corps ne sont pas prêts. 

Alors il faut patienter. Il ne faut surtout pas consommer de l’énergie négativement en pestant sur notre situation. Il faut l’accepter à 100%.

Oui, rester dans nos tentes à lire, dormir, réfléchir, méditer, échanger avec, ou penser à nos proches... On a choisi d’être ici, alors vivons le pleinement. 

Pour ma part, j’essaie de vivre l’instant et d'être heureux. 

De toutes les façons, si vous voulez accélérer le rythme, vous le payez cash. Chaque effort, chaque mouvement brusque se traduit par un essoufflement et presque un étourdissement. Enfiler ses chaussures peut relever de l’exploit !

Mais on sent chaque jour que notre corps s’habitue, alors soyons patients et, dans quelques jours, nous reprendrons la direction des camps d’altitude pour nous approcher tout doucement du sommet si convoité. 

Camp Expeditions Unlimited dans la brume au camp de base de l'Everest © François Trouillet

 

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