Ascension de l'Everest versant sud (Népal) : traversée de l'Icefall

Au printemps 2021, Expeditions Unlimited organise l'ascension de l'Everest (8 848 m) par le versant sud, donc côté Népal. Après un magnifique trek d'acclimatation « par les hauts cols », les cinq membres de l'expédition guidés par le chef d'expédition Bernard Muller et accompagnés des plus brillants Sherpas du Khumbu atteignent le camp de base de l'Everest. Au cours des semaines qui vont suivre, François Trouillet, un des participants, nous livre un témoignage poignant sur le vif des principales étapes de cette expédition. Dans ce billet, François nous narre avec émotion sa découverte de la cascade de glace du glacier du Khumbu entre le camp de base et le camp 1 : la fameuse Icefall.

Vue du glacier du Khumbu depuis Kala Patthar © François Trouillet

Nous entrons dans l'Icefall par une petite porte dérobée

La Icefall je l’avais vue en photo, puis de loin, puis de près, de jour, de nuit, sous le soleil, la lune, la neige... elle paraît immense, impressionnante, infranchissable, elle nous rappelle qu’elle vit par ses craquements, avalanches, éboulis continus. La puja de notre expédition est construite en face, comme pour nous protéger d’elle. Quand, pour la première fois, nous nous sommes dirigés vers elle, de nuit comme pour nous cacher, j’étais rempli d’émotion. 
Nous « entrons » en elle par une petite porte dérobée et laissons derrière nous le monde terrien pour pénétrer un monde de glace. Au bout de trente minutes de marche, nous passons sous un drapeau de prières et chaussons les crampons. 

Traversée d'une crevasse au lever du soleil © François Trouillet

Murs, échelles, ascension à la Jumar, descentes en rappel

De-ci de-là, un bâton avec un petit bout de chiffon rouge balise le passage dans ce labyrinthe en trois dimensions ! Puis un mur vertical se dresse devant nous. À la lueur de nos frontales, la glace bleue brille et le mur semble immense. Les Ice Doctors ont fait leur travail et une corde fixe tombe d’en haut. 
Alors nous empoignons notre poignée Jumar et commençons à nous hisser. Nous sommes un peu « froids » et la technique est un peu hésitante. Après de gros efforts, nous arrivons en haut, souffle court. Et nous découvrons un paysage lunaire. Nous marchons en silence, notre longe arrimée à la corde fixe pour nous sécuriser. Les murs se succèdent avec leur lot d’efforts. 

Puis le ciel s’illumine peu à peu, le soleil va se lever. Nous ne savons plus depuis combien de temps nous marchons, mais la lumière du soleil nous fait prendre conscience de l’immensité du paysage où nous nous trouvons. Nous ne voyons que de la glace, des immenses crevasses à perte de vue. Des murs, des échelles, des descentes en rappel, des montées à la poignée d’ascension. Nous baisser pour faire passer notre longe, d’une corde fixe à une autre... Regarder où mettre ses pieds, souffler. 

Pause boissons chaudes pour les membres de l'expédition © François Trouillet

Nous traversons des zones dangereuses

Il y a un peu de monde et les passages techniques font naître des petits bouchons. Autant d’occasions pour se reprendre. Nous sommes partis de 5 300 mètres et le camp 1 est à 6 000 mètres. Un petit coup d’œil à la montre nous donne notre progression. Nous nous rassurons entre nous : « T’as quoi comme altitude ? Waouh c’est tout ?? ». 

Six heures de marche déjà. De temps en temps, Nigma, notre guide, nous demande d’accélérer et se met à prier. Nous traversons alors une zone dangereuse. Nous n’en avons pas vraiment conscience, il faut savoir lire la glace. La veille de notre départ, une tour de glace s’est effondrée sur des Sherpas. C’est très traumatisant pour l’équipe. Lire ici l'article de l'Himalayan Times sur ce qui se passera quelques jours plus tard.

Puis nous arrivons à un méplat ; nous pensions, nous espérions le camp. Il y a là des gens assis et nous leur demandons « Is camp 1 far away ? », et la réponse tombe comme un couperet « About 2 hours ». Mais ça fait sept heures déjà que nous marchons ! On est nuls ou quoi ??? On commence à douter de nos capacités. 

Arrivant au camp 1 © François Trouillet

Près de 10 heures pour traverser l'Icefall 

Bon, on se reprend. Et après de nouvelles crevasses, de nouveaux murs, de nouvelles échelles, nous découvrons le majestueux mont Lhotse et au loin, une ligne de tentes jaunes ! Le camp 1... Enfin !  Il y a encore de la marche mais cette vue nous ravigote !  Ça y est : nous marchons depuis neuf heures trente et nous y sommes. Vidés, rincés, nous nous engouffrons dans nos tentes pour n’en ressortir que le lendemain. Bien dormi ? Bien mangé ? Non, je me suis repassé le film de cette première traversée de l’Icefall qui restera gravée à jamais dans ma mémoire.

En lien avec cet article

• Ascension de l'Everest par le versant sud népalais
• Live de l'expédition de l'ascension de l'Everest au printemps 2021

Trace du suivi live dans l'Icefall (vue générale et vue de détail) © Expeditions Unlimited