Expédition de nettoyage extrême : le Mustagh Ata (7546 m) avec Philippe Goitschel et Breffni Bolze

Depuis 20 ans, Philippe Goitschel et Breffni Bolze nettoient des sites emblématiques en milieux extrêmes dans le monde entier, afin de sensibiliser le public à la fragilité des espaces naturels et à l’urgence de recycler les déchets. Leur noble mission ne connaît pas de frontières ni de limites, allant des grandes profondeurs du gouffre Berger (–1 122 m, France) aux hauteurs de différentes montagnes, telles que le camp de base du mont Elbrouz (5 642 m, Russie), le sommet du Thapa Peak (6 000 m, Népal) ou encore le camp de base de l’Aconcagua (6 971 m, Argentine).

En juillet dernier, en collaboration avec Expeditions Unlimited, ils se sont attaqués à un projet particulièrement ambitieux : le nettoyage du Mustagh Ata (7 546 m), montagne emblématique de Chine. L’ascension se fait à ski dans des conditions intenses. Un sacré exploit donc, qui a permis de délester le Mustagh Ata de 800 kilos de déchets sur la voie normale, le camp de base, le camp 1 et le camp 2.

Avant de vous faire découvrir le film documentaire Nettoyages Extrêmes : Des Abysses aux Sommets réalisé suite à l'expédition, nous avons posé quelques questions à Breffni à propos de cette aventure hors du commun.

  
© Breffni Bolze et Philippe Goitschel

Hello Breffni, peux-tu vous présenter en quelques mots ?

Je suis ingénieur en environnement chez un groupe industriel familial. J’ai toujours travaillé dans le déchet, c’est ma passion et mon boulot. Ma première expédition de nettoyage remonte à 2001, dans le cadre d’un stage à l’étranger durant mes études d’ingénieur. Avec deux copains de l’école, nous avons monté le projet de nettoyer le camp de base du Dhaulagiri, au Népal.

J’ai rencontré Philippe quelques années plus tard par le biais de mon cousin. Philippe combine sport et environnement également : il est moniteur de ski alpin. Multi recordman de ski de vitesse, il est notamment le premier à avoir franchi les 250 kilomètres heure à ski. Il a été sensibilisé très tôt à la cause de l’environnement et est très engagé. Rapidement, nous avons organisé notre première expédition ensemble, à l’Aconcagua en 2008.

Le nettoyage du Mustagh Ata était un projet colossal, quelle a été est la plus grande difficulté ?

Le dernier jour d’ascension a été vraiment compliqué pour moi, j’ai cru ne pas pouvoir arriver jusqu’au bout. En fait, je me suis senti très bien pendant toute l’expédition et comme le dernier jour j’étais toujours en forme, j’ai fait une partie de la trace entre le camp 2 et le sommet. Faire la trace demande presque deux fois plus d’efforts et avec les 40 centimètres de neige fraîche. C’était très physique. De plus, avec la déshydratation et l’hypoglycémie, je me suis épuisé sans m’en rendre compte, j’ai failli lâcher à 100 mètres du sommet. Ça s’est passé uniquement au mental.

Sinon, la plus grosse difficulté par rapport au nettoyage en lui-même a été de trouver des filières de recyclage. En Chine, ils ne trient pas les déchets et mettent tout en décharge. Il a fallu rapporter les déchets recyclables (métaux, plastiques, carton) en bus jusqu'à Kashgar, la première grande ville, et même là-bas ce fut difficile de trouver des repreneurs. Nous avons finalement rencontré du personnel d’entretien d’espaces verts qui savait où revendre les différents types de déchets.

L’opération a duré près d’un mois et fut intense, pouvez-vous nous raconter votre souvenir le plus mémorable ?

Sur la partie ascension, pour moi, c’est clairement le sommet. Il nous aura fallu un an de préparation physique et deux ans de préparation du projet, avec la recherche de sponsors, etc. C’était mon sommet le plus élevé, donc il y avait une grosse charge émotionnelle à l’arrivée.

L’autre moment le plus marquant, c’est quand les autres personnes du groupe d’Expeditions Unlimited se sont jointes à nous pour le ramassage des déchets. À la base, nous n’étions que 4 nettoyeurs sur les 17 participants à l’expédition, les autres n’étaient pas parties prenantes de notre projet. Mais au fur et à mesure, tous ont fini par enfiler des gants et prendre des sacs pour nous aider.

Quelles pratiques écoresponsables sont ou pourraient être mises en place en amont pour éviter d’en arriver à de telles expéditions ?

Concrètement, lors de l’expédition, cela passe par le fait de ramasser ses propres détritus, ne pas utiliser d’eau en bouteille, bien choisir l’emplacement pour faire ses besoins ou encore faire une compensation carbone de son déplacement pour minimiser son empreinte environnementale…

Plus globalement, il faut absolument mettre en place de la prévention, car on ne devrait jamais avoir besoin de ramasser ces déchets. Nous essayons au maximum de sensibiliser le public en intervenant par exemple dans les écoles, en diffusant des vidéos, etc. Nous travaillons aussi sur ce point avec Éric (Bonnem, fondateur de Secret Planet et Expeditions Unlimited NDLR), via l’élaboration d’une charte des bonnes pratiques pour les agences de trekking. Une fois que cette charte sera finalisée, l’idée est ensuite de tester en la mettant en application dès l’année prochaine, lors de l’ascension du mont Everest avec Expeditions Unlimited.

Comment peut-on se joindre à votre démarche ?

Nos prochaines expéditions sont toutes ouvertes aux bénévoles qui veulent nous accompagner et il y a toujours possibilité de s’adapter en fonction de son niveau. Nous travaillons aussi avec l’association Mountain Wilderness qui organise tous les ans des opérations de nettoyage dans les Alpes, tous les programmes sont ouverts aux bénévoles sans forcément être adhérent à l’association. C’est vraiment sympa, on se retrouve à une centaine de personnes pendant un week-end ou un jour à nettoyer la montagne, et il y a un paquet de choses à nettoyer aussi dans nos propres montagnes.

Un dernier mot pour la fin ? Un message à faire passer ?

Ce n’est pas la peine d’aller à l’autre bout de la planète pour nettoyer. Adopter une attitude responsable ça commence chez soi avec le tri des emballages notamment et c’est à la portée de tous.

© Breffni Bolze et Philippe Goitschel suite au nettoyage du Mustagh Ata
 

Découvrez le documentaire Nettoyages Extrêmes, des Abysses aux Sommets 

Nettoyages Extrêmes : Des Abysses aux Sommets from Mountain Wilderness on Vimeo.

En savoir plus :

• L'expédition Ascension à ski du Mustagh Ata (7 546 m) préparée par Bernard Muller.
• Retrouvez Philippe et Breffni sur leur page facebook Expédition environnementale au Mustagh-Ata.
• Participez aux prochains programmes de nettoyage dans les Alpes avec l’association Mountain Wilderness.