16 mai 2024Actualités
Un grand blanc sur la carte

Blank on the Map a été publié en 1938. Cette perle de la littérature de voyage, second livre de l’explorateur britannique Eric Shipton, enfin disponible pour les lecteurs francophones, ravira tous les amateurs de montagne. Certes ici, pas de grand sommet gravi, pas d’intenses moments dramatiques et tous reviennent sains et saufs. Mais quelle verve ! Car il faut bien parler de talent pour savoir décrire cinq mois passés par monts et par vaux, sans jamais lasser le lecteur. Après avoir traduit Nanda Devi il y a pile deux ans, Didier Mille récidive dans sa mission de rendre les récits cultes d'Eric Shipton accessibles aux francophones. Passionné par l'alpinisme et son histoire, il a guidé de nombreux groupes de trekkeurs à travers l’Himalaya et collabore avec nous en nous apportant notamment sa précieuse connaissance et sa culture de la haute montagne.

Retrouvez toutes les expéditions à 7000 mètres et les expéditions à 8000 mètres.

 

« Au milieu de ce vide figurait un mot stimulant : Inexploré ! »

Mot magique, véritable aimant auquel l’être humain n’hésite pas à sacrifier le confort matériel d’une vie paisible. Eric Shipton, plus que tout autre. L’alpiniste aventurier, ou plutôt l’aventurier alpiniste cède ainsi à l'appel des grands espaces du Karakoram.

Nous sommes en 1936. Deux ans plus tôt, le jeune colon britannique, installé au Kenya où il s’efforce de faire pousser du thé, a réussi un coup d’éclat avec son compère Bill Tilman. Tous deux ont découvert l’accès tant convoité au sanctuaire de la Nanda Devi, le sommet emblématique de l’Inde himalayenne. Le franchissement épique des redoutables gorges de la Rishi Ganga, réalisé avec des moyens financiers et humains plus que réduits, l’a convaincu d’avoir trouvé sa voie : à l’ascension des hauts sommets, il préfère les joies spartiates de l’exploitation en petit comité.

L’aube de l’exploration complète de l’Himalaya se lève à peine. Les efforts se concentrent sur l’Everest où les dignes sujets de Sa Majesté s'escriment déjà depuis plusieurs années. D’ailleurs, en 1936, Eric Shipton en revient des pentes du toit du monde. Les longues heures d’attente dans les tempêtes qui sévissent au camp de base se sont révélées propices à l’imagination. Du Karakoram, alors sous domination de l’Empire britannique, on ne connaît qu’un versant : le méridional, qui donne accès aux plaines indiennes. Le versant chinois n’est qu’un « Grand Blanc sur la carte. » Il sera le théâtre de ses prochaines aventures.


Source : Bibliothèque nationale de France.

De mai à octobre 1937, pendant un peu plus de cinq longs mois, Eric Shipton, John Auden (géologue), Michael Spender (topographe) et l'inséparable Bill Tilman, vont se lancer dans une de ses formidables aventures dont nos amis anglo-saxons ont le secret. Ils emportent une tenue vestimentaire réduite à sa plus simple expression : « 2 chemises chacun (Tilman en prend une seule) », et un matériel technique à faire frémir : un piolet par personne ! En effet, crampons, baudriers et mousquetons ne verront le jour qu’après la seconde guerre mondiale. Les chaussures à clous doivent suffire.

Au menu quotidien : pemmican et tsampa. Le premier, un « aliment [qui] nécessite une accoutumance progressive » au dire de Shipton lui-même, est « un extrait de viande hautement nutritif mais fort indigeste sous forme de pâte. » Le second est de la farine torréfiée.

Sept Sherpas venus expressément de Darjeeling (Inde actuelle, Bengale occidental), menés par le très compétent Ang Tharkay (que l’on retrouvera sirdar sur l’expédition française victorieuse à l’Annapurna en 1950), se joignent à eux.

À l’heure des liaisons satellites, des GPS et des textiles sophistiqués, alors que l’on saute d’un sommet à l’autre en hélicoptère quand ce n’est pas pour descendre en parapente, la lecture de leur épopée simplissime est revigorante.

 

Shipton, une vision clairevoyante

Si tant d’activités humaines ont perdu leur pouvoir attractif, c'est parce que nous tendons à faire les choses avec des motivations déplorables : devenir célèbre, céder au sensationnalisme, devenir riche ou juste suivre la mode. Attitude erronée, basée sur un sens irréel des valeurs, qui nous pollue tout autant que les aspects les plus triviaux de la vie quotidienne. Dans la vie comme dans le sport, seule devrait compter la pleine conscience. Toute autre motivation détourne notre esprit et nous prive de la joie de vivre nos actes en toute lucidité.

Pour Shipton, il n’est de plénitude qu’en terre inconnue. Sitôt franchi la ligne qui sépare le bassin versant indien (l’actuel Pakistan) du bassin chinois, pas un mètre carré n’a été parcouru par un occidental, ou si peu. De glaciers inconnus en rivières mystérieuses, du pied d’un géant himalayen à un autre, ils vont, viennent, traversent des cols que probablement plus jamais aucun occidental ne franchira.

 

Nous lui devons la première description du versant chinois du K2

L'après-midi était splendide. Rien ne venait interrompre la vue sur l’immense amphithéâtre qui s’ouvrait devant moi. D’un seul élan prodigieux, les parois et les éperons du K2 s’élevaient directement à notre aplomb, conduisant d’un seul jet au sommet, 4 000 mètres plus haut. Ce que je voyais dépassait mon entendement. Fasciné, humble, je restais assis là, contemplant l’impossible.

Chutes en crevasses et traversées de torrents en crue manquent de peu mettre fin à l’aventure. Rien ne les arrête. Les journées s’ouvrent à l’aube et se terminent à la nuit noire, la fatigue leur serait-elle étrangère ?

Les étendues à couvrir sont telles, qu’ils finissent par se scinder en trois groupes. Tilman se charge d’élucider le mystère du Snow Lake, cette immense étendue de neige au sommet des glaciers de Biafo et d’Hispar. On pensait alors qu’il s’agissait d’une sorte de calotte glaciaire, sans exutoire. Auden s’élance dans un labyrinthe de crevasses et de séracs dont il aura bien du mal à s’échapper. Shipton et Spender parcourent l’immense glacier de Braldu et rallient l’improbable village de Shimshal, le bout du bout du monde.

Michael Spender, aidé de Shipton et de Tilman, a été le premier à livrer au monde une carte magnifique, toute entière réalisée à la main du Karakoram, depuis Shimshal jusqu’aux K2 et Gasherbrum. Le lourd théodolite, indispensable pour établir les relevés, ne recueille pas tous les suffrages. On y apprend que Tilman, « dont les sentiments à l'égard de cet instrument encombrant frisaient l'animosité, a pris sur lui pour ne pas l'expédier définitivement dans le vide. »

Eric Shipton, parfait conteur, nous livre avec humour ses impressions tout au long du voyage. Humanité, humilité, humour, le livre entier d’Eric Shipton se résume en ces trois valeurs.

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